A l’UNINE, les hommes font carrière, les femmes vont à la mer !

L’affiche originale de la campagne de la journée des masters de l’UniNE.

L’Université de Neuchâtel a repris en 2019 la campagne anti-harcèlement de l’Université de Genève #uniunie. Cela nous a permis de lire des slogans tels que « ma jupe est-elle trop longue, trop courte, trop colorée, trop ouverte ou ai-je le droit d’étudier tranquille? », « Et si au lieu de commenter mes jambes, ma robe, ma démarche, mon décolleté, vous commentiez ma recherche? » ou encore « Si votre voisine est tellement belle que vous ne pouvez pas vous empêcher de la fixer pendant des heures, nous pouvons vous aider à trouver une autre place ».

Cela aurait dû nous permettre de prendre conscience des injonctions faites sur le physique des femmes de la communauté universitaire et de la problématique de la représentation sexualisée des femmes dans l’espace public. Cela aurait dû nous permettre de comprendre… mais non !

Le mercredi 11 mars 2020, l’Université de Neuchâtel organise sa soirée des Masters dans toutes les Facultés. C’est l’occasion de présenter des cursus et des perspectives professionnelles. Le visuel qui nous y invite montre deux hommes et une femme. « Une image de bien-être, souriante, et dynamique de l’Université de Neuchâtel », selon le Bureau Presse et Promotion.

Mais cette affiche montre aussi autre chose.

Les deux hommes sont habillés avec une chemise. Le premier porte également une veste de costard et des lunettes ; le second, de profil, est concentré vers l’avenir. L’image est sérieuse. L’homme est vu comme une personne.

Notre détournement

La femme est représentée avec un chapeau de plage et un débardeur dans une position typique du regard masculin (male gaze : qui permet d’observer les fesses et la poitrine en même temps ), ce qui est éminemment sexiste et a d’autant moins sa place à l’Université où chacun∙e∙x est sensé∙e∙x être jugé∙e∙x sur ses compétences et ses capacités et non sur son apparence. L’image est futile. La femme est vue comme un objet[1].

Que ce visuel donne « une image de bien-être, souriante et dynamique à l’Université de Neuchâtel » n’enlève rien au fait qu’elle donne également, en filigrane, l’image selon laquelle les hommes font carrière et les femmes vont à la mer !

En nous exposant que la supposée étudiante en tenue champêtre placée dans une posture sexualisée « a le profil-type d’une jeune personne tout à fait naturelle », le Bureau Presse et Promotion banalise la réification des femmes, et par là-même, contribue aux inégalités au sein de l’Université.

Cette affiche est problématique dans sa représentativité également. Pour se sentir accueilli∙e∙x dans un lieu, y avoir sa place, il est nécessaire de pouvoir s’identifier aux personnes qui le composent. Ici, aucun∙e∙x étudiant∙e∙x racisé∙e∙x n’est représenté∙e∙x.

Il ne s’agit pas de « voir le mal partout ». Non. Il ne s’agit non plus d’être offensé∙e∙x∙s par cette photo. Il s’agit de faire comprendre aux personnes travaillant dans les services de notre Université que l’ensemble de la communauté mérite d’être considérée sur un pied d’égalité. Il s’agit de se former sur les questions de genre pour communiquer de manière adéquate et inclusive, en permettant à chaque personne, indépendamment de son genre ou de sa race, de se sentir sincèrement accueillie dans un cursus de Master à l’Université de Neuchâtel.


[1] Voir notamment l’étude de Gervais/Vescio/Förster/Maas/Suitner, Seeing women as objects : the sexual body part recognition bias (2012), in [https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/ejsp.1890] (11.03.2020).